OBJETS

"Double gomme", papier/crayon, 24 x 32 cm, 2010. 
Crédit photographique : Vincent Ruffe.






"Crayon télévision", papier/crayon, 24 x 32 cm, 2010. 
Crédit photographique : Vincent Ruffe.





"Cercle", papier/carton/plastique, 30 x 30 cm, 2011. 
Crédit photographique : Vincent Ruffe.


Dans les derniers travaux de Patrick Sauze, nous assistons là aussi, à une sorte de résurrection. Dans ses aphorismes édités en 2006, sous le tire Le défaitisme triomphant, il écrit : « Mon dilemme : choisir entre la dynamique du vide et l’inertie du plein ». Il s’agit donc là d’une ambivalence, profonde, qui caractérise deux aspects de son œuvre et il semblerait qu’aujourd’hui, avec l’éloge de la page blanche et l’avènement de ses monochromes, ce soit plutôt le vide – peut-on aussi parler de silence ? – qui s’impose.
Mais derrière cette apparente neutralité de ses oeuvres récentes, dont l’inscription 
ART= LUMIERE semble résumer l’envol, il y a l’autre face : celle de « l’intranquillité » de l’être dont l’humour décalé et les jeux de mots (parfois même sans mots), ou de titres sans dessins (mais pas sans desseins) puisent tout aussi bien dans l’univers de la poésie visuelle que dans celui, contestataire et corrosif, de Fluxus. Sans oublier celui des paroliers et des poètes que Patrice Delbourg appelle, dans son ouvrage éponyme, « les jongleurs de mots » (je pense ici, tout particulièrement, à Alfred Jarry, Gaston de Pawlowski, Pierre Dac ou Emil Cioran).
Artiste et inventeur, c’est ainsi que Patrick Sauze se présente à la tout dernière page de son recueil de dessins Les maux et les sauze. Adepte de l’humour noir et de l’auto dérision, c’est sur le dessin d’une pierre tombale que cette inscription figure. Doit-on lire cette image comme l’ultime pensée d’une longue correspondance que l’artiste adresse à « ses lecteurs » ? Il est d’ailleurs assez troublant qu’en réduisant son nom à ses simples initiales nous obtenons PS, traduit communément comme post-scriptum, et que ses dernières recherches se focalisent justement sur le pourtour et les marges de la feuille, comme s’il cherchait à « mettre la feuille blanche dans le dessin » (Pierre Tilman).
Alors, Patrick Sauze, artiste en marge de… ? « Récemment, un parfait inconnu m’a dit qu’il aimait mon travail, je lui ai répondu qu’il devait se sentir seul », ironise-t-il d’ailleurs en 2006. Patrick Sauze en tournant autour de la feuille tournerait-il comme on tourne autour du pot ? Comme son Cercle qui se mord la queue dans un fredonnement ininterrompu « LE MONDE QUE JE PORTE LE MONDE QUI NOUS PORTE » (un soliloque dont la lecture commence à l’endroit où l’on veut) ? Dans le texte introductif au catalogue de dessins précédemment cité, Manuel Fadat écrit que « l’idée n’est pas de produire de la nouveauté, une nouveauté, mais de la déviance ». Quant à nous, il semblerait que le propre de l’art, chez Patrick Sauze, soit de dégager un passage. 



Texte de Fabrice Raymond sur l'exposition "Trois regards sur le livre d'artiste" à la Médiathèque du Musée des Abattoirs de Toulouse.